Le cabinet d’Avocat Novakov remporte une victoire judiciaire sans précédent sur une banque étrangère
janvier 28, 2024
Première victoire en matière de devoir de vigilance contre la banque pour faux investissements frauduleux
octobre 7, 2020
 

Indemnisation d'une victime d'escroquerie, reconnaissance de la responsabilité bancaire.
(13 AVRIL 2021 RG 20/00615) :

La particularité de cette affaire c’est que Monsieur B a été victime de plusieurs plateformes frauduleuses proposants des placements financiers atypiques. Une autre particularité réside dans le fait qu’une des plateformes ayant convaincu Monsieur B. d’y effectuer ses placements, a été régulée, c’est-à-dire disposant d’une licence auprès de l’Autorité de Régulation Financière de Chypre (CySEC). Courant l’année 2012, Monsieur B a été démarché par des conseillers de ladite plateforme régulée en vu d’investir sur des options binaires et dans le Forex (des placements considérés comme très spéculatifs et très risqués).

Aussi bien les plateformes régulées que les plateformes non régulées, pratiquent des discours bien rodés et attrayants, proposant des bénéfices plus élevés que les taux bancaires usuels et ont pour effet convaincre les épargnants français.
Par ailleurs ces plateformes disposent de sites internet très professionnelle, et envoient des documents légaux à leurs futurs clients, donnant l’apparence d’une activité licite. Finalement Monsieur B comme d’autres épargnants a été attiré par ces propositions de bénéfices et a effectué des placements auprès de cette plateforme de novembre 2012 à octobre 2015. Au total il a investi la somme de 112.135.00 euros.
Ladite plateforme régulée exerce une activité licite en apparence. Toutefois il y a un conflit d’intérêt entre les clients de la plateforme et la plateforme elle-même, (le fournisseur de liquidité étant une société du même groupe que la plateforme de trading) lorsque le client gagne, la plateforme enregistre des pertes et à l’inverse lorsque le client perd la plateforme gagne. Par conséquent, Monsieur B a finalement perdu la totalité de ces investissements.

 

Ensuite, et c’est ce qui arrive très fréquemment, Monsieur B a été contacté par d’autres plateformes lui proposant de récupérer les fonds perdus moyennant paiement des taxes, et lui ont également proposé d’autres investissements.

 

Les plateformes qui ont contacté Monsieur B (Goldwin Market et finance capital) pratiquent des activités entièrement fictives et figurent sur la liste noire de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Ils ont ouvert un compte d’investissement fictif à Monsieur B qui lui permet de voir les placements effectués. Au total Monsieur B a investi la somme de 87.850.00 euros auprès de ces deux plateformes et là encore il s’est avéré qu’il a été victime d’une escroquerie, puisqu’après avoir persisté dans ses demandes de remboursement de son avoir, les conseillers sont devenus injoignables.

Dans un premier temps, Monsieur B a déposé plainte contre des trois plateformes auprès du procureur de la république le 7 septembre 2016. Un fait rare, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre des 3 plateformes et Monsieur B s’est porté partie civile.

 
En mois d’avril 2020, Monsieur B a mis en demeure sa banque « CREDIT AGRICOLE DU FINISTERE » d’avoir manquée à son devoir de vigilance lorsqu’il a effectué tous les paiements qui correspondaient aux placements litigieux.

Par la suite Monsieur B a engagé deux procédures, une contre la plateforme régulée, puisque c’est une société existante et dans la mesure où il y avait une information judiciaire ouverte à son encontre, et une autre contre sa banque.

 
Dans la première procédure qui ne concerne pas le présent commentaire, Monsieur B a réussi à trouver un terrain d’entente et à transiger en contrepartie d’une somme satisfaisante au titre du dédommagement. Dans l’autre procédure qui intéresse le présent article, la question qui se posait devant le juge si le fonctionnement du compte bancaire de Monsieur B était entaché d’anomalies apparentes, seul critère qui peut mettre à la charge du banquier un devoir de vigilance et de mise en garde à l’encontre de ces clients et si la banque a effectué une faute lors de la tenue des comptes.

I. Aspet théorique de l’application du devoir de vigilance :

 

Il existe en matière de tenue des comptes bancaires un devoir de non-ingérence du banquier lui interdisant de s’immiscer dans les affaires de ses clients Ce devoir de non-ingérence (ou encore appelé devoir de non-immixtion) cesse de s’appliquer lorsque le fonctionnement du compte bancaire est entaché d’anomalie apparente qui peuvent
être matérielles ou intellectuelles. 

La présente affaire concerne les anomalies intellectuelles qui correspondent aux circonstances dans lesquelles les paiements litigieux ont eu lieu contrairement aux anomalies matérielles qui affectent la régularité même du titre (falsification de la signature, numéro IBAN erroné…etc.). Pour savoir s’il y a existence d’anomalies apparentes le juge va se référer à un faisceau d’indice qui consiste pour lui à vérifier le montant des opérations de paiement, leurs périodicités, leurs destinations (si les paiements sont dirigés vers des pays où le client n’ y a jamais effectué des paiements auparavant), les bénéficiaires des paiements ( s’il y a une antériorité de relations d’affaires avec ceux-ci), le libellé et l’objet des opérations de paiements (si le libellé ne comporte pas le nom de la plateforme frauduleuse et si elle est inscrite sur la liste noir de l’AMF).

Ensuite le juge va comparer ces paiements aux opérations de paiements que le client effectue habituellement. Il va prendre en considération, et c’est un élément central dans l’analyse, le profil dudit client, si le client est profane ou averti en matière de placements financiers classiques ou atypiques. 

En fonction de ces éléments, le juge va déterminer si oui ou non les paiements litigieux correspondent à des anomalies apparentes, et si tel est le cas il va vérifier si le banquier a eu une réaction appropriée. On considère qu’en présence d’anomalies apparentes affectant le fonctionnement du compte d’un client, le banquier doit à tout le moi s’alerter et s’approcher de son client et le mettre en garde solennellement s’il s’avère qu’il s’agit d’une opération frauduleuse. Certains juges vont jusqu’à considérer que le banquier doit refuser, en présence d’anomalies apparentes, l’exécution du paiement.

 

Si le banquier n’a pas eu une réaction appropriée, c’est-à-dire en présence des opérations de paiement à destination de plateformes de trading frauduleuses, s’il n’a pas mis en garde ou alerté son client d’une manière solennel, il engage sa responsabilité et sera condamner à indemniser son client des pertes subies.

II. Application faite par le juge dans la présente affaire :

 

En l’espèce, dans un premier temps Monsieur B a été considéré comme étant prescrit concernant les virements effectués antérieurement à 2015 (en France, le délai de prescription en droit commun est de 5 ans). Dans cette affaire, le juge a considéré la banque responsable et l’a condamnée à indemniser le client d’une partie de ses pertes (considérant qu’il a lui-même concouru à la réalisation de son propre préjudice). Pour arriver à cette conclusion il a retenu que les opérations de virement auraient dû attirer l’attention du banquier sur le caractère suspect des destinataires des fonds et qu’il avait à sa disposition des indices, à travers les libellés des opérations étrangers des virements effectués et le profil modeste de son client pour ensuite l’alerter et le mettre en garde.

En l’espèce, Monsieur B était conducteur de poids lourd et avant d’être mis en chômage puis à la retraite, n’avait par ailleurs aucune expérience en matière de placement financier. La banque ne s’étant pas alertée lors des virements litigieux notamment certains renseignant les termes Goldwin Market ou Global Forex qui sont de nature à révéler les soupçons de la banque. Par conséquent le banquier a été condamné par un jugement rendu par le tribunal de Quimper le 13 avril 2021.

Au-delà de l’affaire concernée, ce jugement est important dans la mesure où il constitue la confirmation du Tribunal Judicaire d’Albi du 13 février 2020 qui est le premier jugement définitif condamnant une banque pour manquement à son devoir de vigilance dans les litiges de fraudes aux faux investissements et ouvre la voix à une nouvelle jurisprudence favorable aux victimes des escroqueries financières.