Responsabilité bancaire : Un couple de retraités victime d’une arnaque bitcoin fait condamner sa banque à montpellier pour manquement à son devoir de vigilance

Résumé
Dans un jugement rendu le 12 décembre 2024 (n° 21/00303), le Tribunal judiciaire de
Montpellier a rendu un jugement condamnant la banque Caisse d’Epargne et de Prévoyance
du Languedoc Roussillon (la CEP) pour manquement à son obligation de vigilance, après que
M. et Mme B. ont effectué des virements de 62.770 € à l’étranger, croyant investir
dans le bitcoin. Le Tribunal a retenu que, compte tenu de la nature des mouvements, la
banque aurait dû alerter ses clients face à des sommes importantes susceptibles d’indiquer une
fraude et l’a condamnée à verser 23.077,50 € à M. B. et 24.000 € à Mme
B.
Rappel des faits
À partir de la fin de l’année 2017 et plus considérablement entre février et août 2018, M. et
Mme B., retraités, ont effectué plusieurs virements à l’étranger via la plateforme «
Coin Markets » pour un total de 62.770 €, pensant investir dans le bitcoin. N’ayant jamais
récupéré leur argent, ils ont porté plainte pour escroquerie et ont assigné, sa banque, le 20
janvier 2021, devant le Tribunal judiciaire de Montpellier, reprochant à celle-ci un défaut de
vigilance en ne les ayant pas alertés sur ces opérations inhabituelles.
Motivation du jugement
Le Tribunal a estimé que les investissements réalisés par les époux B. étaient
anormaux par rapport à leurs habitudes financières antérieures, ce qui aurait dû alerter la
banque sur la nécessité d'une plus grande vigilance.
En particulier, la Cour a noté que, bien que les époux B. aient déjà effectué des
transferts sur Internet, ils n'avaient jamais effectué de transactions aussi importantes dans un
temps si court, ni vers des comptes à l'étranger. De plus, la destination des fonds, plateformes
d'investissement en cryptoactifs, était également particulièrement suspecte.
Dans ce contexte, le Tribunal a conclu que la banque, en tant que professionnel averti, avait le
devoir d'aller au-delà du principe de non-immixtion dans les décisions de ses clients. Le
devoir de diligence impliquait que la banque agisse et vérifie que les clients étaient conscients
des risques associés à de telles transactions. Si la banque n'a pas à intervenir directement dans
les décisions de ses clients, elle aurait dû, en présence d'anomalies manifestes comme en
l'espèce, alerter les époux B. sur les risques liés à de tels paiements, surtout dans un
marché aussi volatile que celui des crypto-monnaies.
Par conséquent, les juges ont conclu que la banque, en ne respectant pas son devoir de
vigilance malgré la présence d’anomalies apparentes, avait manqué à ses obligations
contractuelles envers ses clients. Cependant, tenant compte de leur propre imprudence, le
Tribunal a limité la responsabilité de la banque à 75 % des pertes.
En conséquence, la banque a été condamnée à verser 23.077,50 € à M. B. et 24.000 € à Mme B. au titre du préjudice matériel, ainsi que 2.000 € chacun pour leur préjudice moral. Elle a également été condamnée aux dépens et à 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de
procédure civile.